Texte
intégral du Dahir sultanien du 16 mai 1930 nommé
"Dahir berbère" par les protégés
de la France coloniale
Louange à Dieu,
Que l'on sache
par la présente, que notre Majesté Chérifienne, Considérant que le
dahir de notre Auguste père, S.M. le Sultan Moulay Youssef, en date du
11 septembre 1914 a prescrit dans l'intérêt du bien de nos sujets et
de la tranquillité de l'Etat de respecter le statut coutumier des
tributs berbères pacifiées..., qu'il devient opportun de préciser
aujourd'hui les conditions particulières dans les quelles la justice
sera rendue dans les mêmes tribus:
A décrété ce qui suit :
Art. 1
Dans les tribus
de Notre Empire reconnues comme étant de coutume berbère, la répression
des infractions commises par les sujets marocains(1)
qui serait de la compétence des Caïds dans les autres parties
de l'Empire, est de la compétence des chefs de tribus.
Pour les autres infractions, la compétence et la répression sont
réglées par les articles 4 et 6 du présent dahir.
Art. 2
Sous réserve des
règles de compétence qui régissent les tribunaux français de Notre
Empire, les actions civiles ou commerciales, mobilières ou immobilières
sont jugées, en premier ou dernier ressort, suivant le taux qui sera
fixé par arrêté viziriel, par les juridictions spéciales appelées
tribunaux coutumiers. Ces tribunaux sont également compétents en tout
matière de statut personnel ou successoral. Ils appliquent, dans les
cas, la coutume locale.
Art. 3
L'appel des
jugements rendus par les tribunaux coutumiers, dans les cas où il
serait recevable, est portée devant les juridictions appelées
tribunaux d'appel coutumiers.
Art. 4
En matière pénal,
ces tribunaux d'appel sont également compétents, en premier et
dernier ressort, pour la répression des infractions prévues à
l'alinéa 2 de l'article premier ci-dessus, et en outre de toutes
les infractions commises par des membres des tribunaux coutumiers dont
la compétence normale est attribuée au chef de la tribu.
Art. 5
Auprès de chaque
tribunal coutumier de première instance ou d'appel est placé un
commissaire du Gouvernement, délégué par l'autorité régionale de
contrôle de laquelle il dépend. Prés de chacune de ces juridictions
est également placé un secrétaire-greffier, lequel remplit en outre
les fonctions de notaire.
Art. 6
Les juridictions
françaises statuant en matière pénale suivant les règles qui leur
sont propres, sont compétentes pour la répression des crimes commis
en pays berbère quelle que soit la condition de l'auteur du crime(2).
Dans ces cas est applicable le dahir du 12 août 1913 (9 ramadan
1331) sur la procédure criminelle.
Art. 7
Les actions
immobilières auxquelles seraient parties, soit comme demandeur, soit
comme défendeur, des ressortissants des juridictions françaises, sont
de la compétence de ces juridictions.
Art. 8
Toutes les règles
d'organisations, de composition et de fonctionnement des tribunaux
coutumiers seront fixés par arrêtés viziriels successifs, selon
les cas et suivants les besoins.
Fait
à Rabat, le 17 Hijja 1348 (16 mai 1930) vu pour promulgation
et mise à execution : Rabat, le 23 mai 1930.
Le
commissaire-Résident général, LUCIEN SAINT.
(1)
: Preuve irréfutable que le dahir
s'appliquait sans discrimination à tous les citoyens marocains
et qu'il avait une compétence territorial et non ethnique.
(2) :
Le législateur avait tenu, pour eviter d'éventuelles
contestations judiciaires sur la compétence des tribunaux
francais en la matière, à préciser que ces
juridictions étaient compétentes quel que fût
le régime juridique de l'auteur du crime (Orf ou Chraâ),
ou leur appartenance ethnique ou religieuse.
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