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La Laïcité entre l’Universalisme et l’Amazighisme :


Par Jawad Abibi, AmazighWorld.org
Date : 2007-12-10

Depuis la nuit des temps, les Amazighs se sont engagés dans un acte perpétuel de militantisme, pour défendre leur existence identitaire en tant qu’un peuple soumis tout le temps et à travers l’Histoire à des occupations étrangères. Aujourd’hui encore, Imazighen se trouvent dominés par le colonisateur arabe, pénétré au Maroc, depuis des siècles,  sous prétexte de l’islamisation. C’est ce prétexte même qui poussent Imazighen à revendiquer la laïcité, le seul principe capable de révéler la réalité de l’occupation arabe, et de reprofaner le profane sacralisé, ce qui permettra par la suite au Mouvement Amazigh d’acquérir une grande légitimité dans son action de libération.
A ces considérations, il faut ajouter, des éléments d’ordre universel. En fait, le mouvement Amazigh, fait à maintes reprises, référence dans son discours aux différents principes de Droits de l’Homme reconnus universellement, c’est le cas parmi autres de la laïcité, qui est un véritable pare-feu contre la discrimination religieuse ou encore la discrimination au nom de la religion.

La laïcité dans la philosophie grecque :

La Laïcité n’est pas un phénomène nouveau, depuis la naissance de la philosophie politique, les philosophes ont cherché à régler les rapports qui doivent lier la politique au mythe d’abord et à la religion après.
Dans la cité antique d’Athènes, les sophistes (Héraclite, Protagoras…) étaient les premiers laïcs, qui ont appelé à séparer la vie des dieux de celle des humains, en niant l’existence des valeurs absolues. Pour eux la vertu et la justice sont des valeurs relatives. Contrairement aux autres philosophes qui pensent que les valeurs sont crées par les dieux pour protéger la cité, mais l’homme les a perdu d’où la nécessité d’un travail dur et rigoureux pour les retrouver (Platon, Aristote, Socrate…).

La laïcité dans la pensée Chrétienne et musulmane :

L'Amazigh saint-augustin

Avec la révélation du Christianisme, la laïcité était parmi les soubassements de cette nouvelle religion, Christ disait «  mon royaume n’est pas là, mon royaume est dans le ciel », ses disciples ont laissé l’Adage « rendez à césar ce qui est à césar, et rendez à Dieu  ce qui est à Dieu », le philosophe Amazigh chrétien, Saint Augustin marquait cette séparation par sa théorie où il distinguait la cité terrestre de la cité céleste. L’adoption de l’empire romain du christianisme, vers l’an 313 de l’ère chrétienne, a conduit aux crimes contre l’humanité au nom du christianisme, il fallait attendre les réformes religieuses avec Voltaire et M. Lauter, et après, la révolution française pour libérer l’humanité de despotisme chrétien.   
Contrairement au Christianisme, la révélation musulmane avait un caractère politique dés le début, Mohamed était à la fois prophète et dirigeant politique fondateur de « l’Etat » musulman. Juste après la mort du prophète, le pouvoir spirituel de l’Etat s’était mis en cause, un nombre de musulmans étaient contre le « Béitmalilmoslimine » l’institution chargée de la collecte de l’impôt religieux Zakat, cet acte était un appel à séparer le temporel de spirituel, et à la nécessité de reconnaître la liberté du culte en commençant par la Zakat, ce courant laïque était accusé de l’Apostasie et condamnée à mort en lui déclarant la guerre.  
D’autres philosophes musulmans avaient cette orientation laïque, notamment le maghrébin Averroès qui était le premier théoricien de la Laïcité au sens moderne.

Cependant, les peuples musulmans ont beaucoup souffert de la tyrannie religieuse, et aujourd’hui encore, la plupart des Etats musulmans, gardent ce caractère religieux y compris l’Etat marocain, ce qui a favorisé la montée des courants laïcs, le mouvement amazigh en illustre un.
 
Le concept de laïcité : définition et ambiguïté :

Il faut reconnaître qu’il est difficile d’adopter une définition générale et objective pour la Laïcité, mais si on veut la définir tout court on dirait que : La laïcité désigne le principe de séparation du pouvoir politique et administratif de l'État du pouvoir religieux. Le mot "laïque" désigne les personnes ou les institutions qui respectent ce principe.
L’ambiguïté ne semble pas disparaître avec l’adoption de cette définition, cette ambiguïté s’explique par la difficulté de distinguer le religieux du moral, et celle de distinguer le politique du social ; ainsi on risque, à tort de nier le caractère laïc d’un élément politique moral, ou encore d’un élément religieux social. Cet amalgame rend difficile la classification des régimes modernes en régimes laïcs et non laïcs.
         Pour mettre fin à ce questionnement, certains Etats ont choisi de mentionné dans leurs constitutions le caractère laïc de leurs régimes, c’est le cas notamment de la France, l’article premier de sa constitution stipule que «La France est une République laïque », ainsi cet article met fin à toutes les autres interprétations. De même la constitution de la Turquie, le seul Etat Musulman laïc, déclare que « l’État turc est républicain, nationaliste, populiste, étatiste, laïque et réformateur ».
         Cependant, on est loin d’admettre que la reconnaissance officielle de la laïcité dans un Etat donné, conduit à une nette séparation des mondes religieux et politique, en effet, la majorité des législations des Etats dits laïcs, prévoient encore des expressions inspirées du monde religieux. Même s’elles ont dans la plupart des cas une portée symbolique, il y a toujours le risque de  leur donner des interprétations abusives et antilaïques.

         Pour illustrer nos propos, on présente des articles d’ordre spirituel, prévus dans des constitutions et des lois fondamentales des Etats occidentaux :
Au Canada : le préambule de la Charte canadienne des droits et libertés (1982) commence par l'énoncé suivant: "Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit...".
En Italie, la constitution stipule que « les principes du catholicisme font partie du patrimoine historique du peuple italien ».
Aux Etats-Unis d’Amérique, le serment constitutionnel se fait  sur la Bible. On note également le «In God we trust » sur leurs billets (En Dieu, nous croyons).
Ce qu’on vient de dire prouve qu’on peut facilement démontrer le caractère laïc d’un Etat, comme on peut, toujours facilement démontrer le contraire pour un même Etat.

La laïcité au Maroc :

Il y a maintenant plus d’une décennie que le mouvement amazigh revendique la Laïcité au Maroc, en fait lors de la révision constitutionnelle de 1996, le mouvement a fait savoir que ce principe est important si le Maroc veut se démocratiser. Sauf que les propositions des Imazighen sont restées toujours sans réponse.
Aujourd’hui, le débat sur la Laïcité revient sur la scène, après qu’un grand nombre des démocrates se sont convertis à ce principe. Cependant, et en parallèle avec ce mouvement progressiste, les Islamistes voient déjà dans le Maroc un Etat laïc qu’il faut islamiser.

Néanmoins, le Maroc est parmi les Etats qui ont un caractère religieux par leur définition; la première expression du préambule de la constitution marocaine stipule que : « Le Royaume du Maroc, Etat musulman souverain… », L’article six confirme que « L'islam est la Religion de l'Etat… ». D’autres textes législatifs font référence à l’Islam, notamment le code de la famille.

Le régime marocain, donc est un régime, constitutionnellement religieux, certains même, vont plus loin pour le qualifier de théocratique en faisant référence au fameux « article 19 », qui légitime religieusement la concentration des pouvoirs entre les mains du Roi en sa qualité de commandeur des croyants, ce qui fait de lui un monarque de droit divin.
 Mais il faut rappeler que le caractère religieux de l’Etat au Maroc n’est pas un phénomène récent, en fait, le mariage entre l’Etat et la religion remonte à l’établissement de la première dynastie arabe au Maroc, et toutes les dynasties ont utilisé la religion comme cheval de bataille pour conquérir le pouvoir, y compris les dynasties Amazighs. Cependant, les Amazigh étaient toujours contre toute religion institutionnalisée, c’est ainsi qu’on pourrait expliquer leur option au Donatisme, pour échapper au christianisme romain, mais aussi leurs révoltes, à partir de 740, contre la domination de Calife arabe de Bagdad au nom de Kharidjisme (une doctrine non orthodoxe de l’Islam).

Dans le même ordre d’idées, la religion dans la tribu amazigh, n’a jamais été un fait de société mais plutôt une affaire personnelle entre l’être humain et son créateur. L’Imam de la mosquée était toujours étranger à la tribu, il ne siège jamais dans l’assemblée annuelle, il exerce ses fonctions d’Imam dans un cadre contractuel connu sous le nom de Chart. A vrai dire, c’est un fonctionnaire de la tribu ; en cas de désaccord, la tribu peut recruter un autre Imam selon d’autres conditions.

Sous le phénomène de ce qu’on a appelé le Bled Siba, les tribus amazighs ont refusé de reconnaître le pouvoir temporel du sultan, en revanche, la prière est dite au nom de ce même sultan, c'est-à-dire que Imazighen ne peuvent reconnaître à une seule personne qu’un seul pouvoir, soit temporel soit spirituel, et jamais les deux à la fois.Ces vérités historiques et sociales, tout en se référant à l’évolution des idées sur cette question, ont été à l’origine de l’intégration de la laïcité comme un principe universel et une des revendications de mouvement Amazigh.

Les Amazighs qui étaient colonisés par les arabes au nom de l’Islam, estiment encore que  leurs droits sont bafoués au nom de la religion, ils subissent une tyrannie légitimée religieusement, leur langue se trouve placée dans les derniers rangs, devant le caractère sacré de la langue arabe, langue de la révélation musulmane et de ses dialectes. Plus pire encore ils assistent à des destructions terroristes au nom de cette même religion.

C’est pour toutes ces raisons que le mouvement amazigh pose la laïcité comme condition sin qua non pour l’instauration d’un Etat de Droit et pour rendre équité au peuple amazigh. Ses rivaux islamistes le qualifient de francophile et de sioniste, car la laïcité pour ceux-ci, ne peut être qu’une balle tuante de leur idéologie.

Portant, le mouvement amazigh n’a pas encore réussi à l’adoption d’une définition claire de type de la laïcité revendiquée, les acteurs amazighs se contentent, dans ce cadre de rappeler leur revendication d’une constitution démocratique et laïque, sans de moindres détailles de plus, cela donc montre un manque théorique chez ce mouvement, qui n’a pas pu encore se mettre d’accord sur les grands axes et les petites détailles de leur laïcité.

Il ne sera pas suffisant de consacrer une clause dans un cahier revendicatif à laïcité pour dire que la revendication est claire, surtout dans un Maroc ou il est devenu très difficile de distinguer le spirituel de temporel, il est important de consacrer tout un texte ou une charte à la laïcité, laquelle charte qui va prévoir des réponses à toutes les questions relatives aux rapports entre le religieux et le politique : le sort de la qualité religieuse du chef de l’Etat, des partis politiques religieux, de l’enseignement religieux, de la construction des temples, etc.…
Les militants du Mouvement Amazigh, sont appelés à entamer un débat ouvert sur la question de la laïcité, en analysant les expériences des différents Etats dans ce domaine, et en faisant appel aux chercheurs de différentes spécialités : les philosophes, les anthropologues, les politologues et autres, afin d’élaborer une conception qui sera un cadre référentiel pour tous les Amazigh.

 

Jawad ABIBI               
Chercheur en Droit Public
jawadabibi@hotmail.com



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Commentaire N° : 1
Par: Baroudi Le : 2017-01-15
Titre: Universalisme
Pays:  

J'ai bcp apprécié votre explication (de la laicité, universalisme) pertinente et claire, en partant d'un exemple de chez nous Les Amazighs et en vous réfèrant à St Augustin...Mes remerciements  
 
 

 
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